Expertes du net, plus à l'aise pour communiquer leurs émotions, même en ligne à de parfaits inconnus... les femmes n'hésitent plus aujourd'hui à livrer leur intimité sur la toile en créant leur blog, sorte d'équivalent technologique du journal intime de nos grand-mères. A la différence près, et de taille, que le blog en ligne, est destiné à être lu lui. Là où les générations de jeune-filles et de femmes nous ayant précédées s'adonnaient à ce passe-temps de l'écriture par le biais du journal, "intime" en son essence, et dont la diariste s'inquiétait qu'il soit découvert par autrui (parents, frères et sœurs, mari...), les blogs en ligne d'aujourd'hui impliquent dès leur conception la possibilité, voire la convocation, du regard d'un tiers. En mettant sur la toile ses écrits intimes, la blogueuse choisit de révéler au grand jour ses écrits, et au-delà du style, ses émotions. Voir, de recueillir des commentaires, d'inter-réagir en marge du texte avec ses lecteurs potentiels. Avec l'espoir plus ou moins avoué que se noue une relation, que se mette en place un échange. Nous ne sommes plus là dans une activité privative, personnelle, onaniste, mais dans l'expression d'une volonté de dialogue. Dialogue virtuel avec, force est de le souligner, des inconnus pour la plupart...
Les deux premières raisons invoquées par les adeptes de ce mode d'expression technologique sont: le plaisir d'écrire et l'envie de partager en premier lieu. Puis, le recul qu'apporte l'écriture au vécu. Le blog aiderait sa créatrice (comme ses lecteurs/lectrices), à revenir sur une expérience de vie (parfois commune), les mots de l'une exprimant les sentiments des seconds, une expérience particulière et individuelle accédant par cette mise en mot à l'universel. Voire dans certains cas et situations difficiles, à trouver le courage de continuer à avancer, garder des forces, dédramatiser en trouvant des oreilles (yeux) virtuelles et inconnues attentives. Et ce quelque soit la qualité de l'écrit, parfois rudimentaire ou insipide. Si beaucoup de romanciers contemporains sont adeptes de l'autofiction, l'homme dans sa mise à nu émotionnel cherchant à faire oeuvre, la femme attachera moins d'importance aux honneurs, au style, à la forme. Si certains blogs connaissent aujourd'hui un succès populaire phénoménal, jusqu'à attirer des dizaines de milliers de lecteurs et l'attention des professionnels pour les plus renommés d'entre eux se retrouvant parfois édités sous forme de livre, pour la plupart des blogueuses l'essentiel reste de mettre en mot, d'exposer, d'écrire et d'analyser ses sentiments, ses affects, ses espoirs, ses humeurs, ses réussites, ses échecs.
D'écrire et décrire, avec son style, à son rythme, selon une fréquence qui nous est propre, les détails de circonstances précises, parfois désagréables ou pénibles. Revenir sur des événements traumatisants que l'on avait gardé en soi, comme s'il ne fallait jamais oublier, ruminer.... Certaines femmes avouant, avant la libération de l'écriture, s'obliger à se les remémorer sans cesse, par une sorte de devoir, accompagné d'un sentiment de culpabilité et de punition. Avec la rédaction du journal intime, la création du blog, vient le temps de la réappropriation du vécu à travers son récit, de la compréhension, du pardon à soi-même et d'une forme de libération. Puis, le travail d'écriture ayant fait (son) œuvre, dans la grande majorité des cas, s'impose cette sensation qu'il est temps de passer à autre chose, et que si la mémoire défaille, il sera toujours possible de revenir à ses mots figés à l'encre noire dans le marbre de l'écrit.... Mais qu'en attendant, pour l'heure, il est temps de refermer le tiroir et de retourner à la vraie vie.
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