Interview Catherine Kirsch : Passeport pour une naissance

Profile picture for user Redaction Femmezine
4 / 5 basé sur 78 votes
passeport pour une naissance

Association créée en 1997, constituée principalement par des sages femmes

Passeport pour une naissance est une association à but non lucratif spécialisée principalement dans l'aide médicale et sanitaire dans les domaines de l'obstétrique et de la petite enfance. Cette association créée en 1997 et constituée principalement par des sages femmes, intervient dans des villages reculés de l'Afrique Francophone  où le manque de soins et d'hygiène entraîne un très fort taux de mortalité à la naissance. PPUN offre donc ses compétences et -dans la mesure du possible- soins et équipement sanitaires et  médicaux, pour permettre aux femmes d'Afrique de mener à bien leur grossesse et leur accouchement. Professionnalisme, générosité,  et solidarité, autant de mots qui caractérisent le travail accompli par ces bénévoles. Pour en savoir plus pour cette action hors du commun, Femmezine  a rencontré Catherine Kirsch, ancienne sage femme et présidente de PPUN qui nous parle de l'activité de l'association sur place.

Femmezine : Depuis quand intervenez vous en Afrique ? Comment avez-vous eu l'idée de monter cette association ?

Tout d'abord, c'est lié à mon parcours : moi j'ai travaillé là bas. Jai fait mes études de sage femme là bas. Je suis revenue en France et j'ai repassé mon diplôme. J'ai donc un diplôme africain complété par un diplôme français pour être au point sur les avancées technologiques françaises. Quand j'ai repris mes études en France, c'était les débuts du monitoring. L'échographie n'existait pas là bas. Je suis donc rentré pour me l'approprier. C'était indispensable pour moi de connaitre les méthodes françaises. Puis je suis  repartie tout de suite après mon diplôme. D'autre part, nous répondons aussi à une très forte demande. Il y a très peu de sages femmes et de médecins : 70 chirurgiens pour le Sénégal entier ; 600 sages femmes qui vont dans le peu d'hôpital qu'il y a. C'est là qu' elles sont plus utile les pathologies graves y sont traitées. Il y a un réel besoin de personnel formé et qualifié. L'Afrique n'a pas évolué depuis 20 ans. Pas de progrès. Imaginez vivre sans eau courante, pas d'électricité, pas de télé, pas de ciné, pas de restau. C'est un Pays très traditionnel, les habitants sont des gardiens du temps, et de ce qu'ils étaient. Mais en même temps c'est un pays très avide de la nouveauté

Comment cela se passe t'il quand on est une femme enceinte en Afrique?

ð  L'association a été créée essentiellement par des sages femmes on a donc axé notre aide au niveau de l'obstétrique et de la petite enfance. Développement médical des pays en voie de développement présente de grandes failles. Il est donc essentiel de traiter le patient à la naissance et in utero. Il y a tout ce qui concerne le pré-partum (avant la naissance) puis l'obstétrique même c'est-à-dire le déroulement de la naissance,  le post-partum (suites de couches) et les soins néo natals  qui concerne l'enfant.  C'est vraiment notre spécialité. Il y a un réel  problème de néo-natalité en Afrique à cause de la difficulté d'accès aux soins. C'est presque impossible d'accéder aux villages ou en tout cas très compliqué. Les villages de brousses dans lesquels nous intervenons sont éloignés de tout. La majorité des femmes accouchent à domicile. La mère doit donc prendre conscience que la grossesse nécessite une surveillance particulière. Puis doit trouver un personnel qualifié pour se faire suivre. Pour se faire soigner, traiter, suivre, elle doit se rendre dans la ville ou il y a un personnel. C'est un problème car les villes sont à 40 ou 50 km et c'est très compliqué d'y aller puisqu'il n'y a ni route ni équipement. Alors elles y vont à dos d'âne, en charrette, ou à vélo (pédalé par son mari) ce qui est très mauvais pour la grossesse. De plus les maris sont polygames et souvent  peu à l'écoute.

Comment intervenez-vous et à combien? Etes-vous écoutés par les locaux ?

Je veux qu'il y ait toujours deux personnes minimum. Ce n'est pas forcément des sages femmes ou des médecins.  Cela dépend du besoin. L'équipe dépend de la taille du village. Une sage femme aidée par une auxiliaire puériculture ou infirmière peuvent suffire s'il y a juste besoin de soins. Le travail essentiel concerne la consultation pré-natale. L' essentiel de l'action : Il s'agit surtout de prévention pendant la grossesse pour détecter la possibilité éventuelle d'un problème auquel cas on recommande à la mère d'aller à la ville pendant quelques temps. Problèmes se détectent avec les techniques et le savoir faire de l'obstétrique. Le moindre doute va faire transférer cette femme.  Le suivi est beaucoup plus compliqué. Allons- nous être écoutés ? En général oui. Mais cela signifie des difficultés intenses pour la future maman. Elle doit convaincre son mari puis trouver l'argent pour aller à la ville pour être logée et nourrie jusqu'à l'accouchement. Puis, il faut prévoir les  frais d'accouchement : l'accès au centre de santé, les frais divers....Très onéreux.

Combien de temps restez-vous sur place ?

Nous nous faisons 3 ou 4 missions par an d'un mois ou deux dans les petits villages ou il n'y a pas de personnel. On forme des gens locaux à minima. On forme des agents de santé et des matrones. C'est un personnel qui a très peu de savoir et qui sait à peine lire et écrire. On les forme pour qu'ils soient autonomes. Lorsque nous partons, au début les gens ne viennent pas. S'il y a un problème pendant la grossesse, le personnel est formé pour le gérer mais s'il ne peut le résoudre il envoie la femme au village qui recevra les soins nécessaires. Le personnel local  s'améliore au fur et à mesure.  Les missions sont plus rares et moins nécessaires car les gens progressent.

N'est-ce pas trop difficile de travailler dans des conditions où il n'y a pas de matériel médical tel que les échographies ou les ultrasons ?

Il n'ya pas besoin d'échographie. Il faut s'adapter à  la pensée africaine. Il n'est pas nécessaire de faire 18 échographies pendant la grossesse. Même si c'est indispensable dans les pays occidentaux, sur place la maman africaine n'a pas accès à tout ça. Pendant de très nombreux siècles il n'y avait pas d'échographie. Etant donné les réalités du terrain, il n'est pas indispensable d'avoir une échographie. En revanche si c'est une nécessité vitale pour un cas particulier on trouvera toujours un moyen de transférer la maman dans une ville ou il y aura la possibilité d'avoir une échographie.

Comment êtes vous accueillis sur place par les habitants ? N'y a-t-il aucun problème diplomatique pour exercer là bas ?

Nous avons passé des accords signés il ya une dizaine d'années régulièrement réadaptés en fonction des difficultés politiques pour pouvoir exercer sur place (Mali et Sénégal ndlr). Il y a une demande précise. En tant qu'association on ne peut pas décider à leur place. On a droit d'exercer dans le pays on habite ou on a eu le diplôme. Pour exercer là bas, il y a besoin d'une autorisation. C'est un Partenariat. Le pays  doit surtout nous accepter et nous autoriser à exercer leur profession médicale.

Ils font appel à PPUN pour les aider à régler les problèmes de mort infantiles dans des régions spécifiques. Ils nous mettent directement en rapport avec le médecin chef de la région qui nous envoie dans les villages concernés.  Nous sommes donc toujours très bien accueillis par la population, car ils ont besoin de notre savoir faire. Il y a de plus en plus de demandes des populations au fur à mesure des années.

Quels rapports entretenez-vous avec les habitants ?

Nous sommes bien reçus, les médecins chefs des villes avoisinantes sont conciliants. En ce qui concerne les habitants des villages c'est une relation réciproque sinon cela ne peut pas fonctionner. Puisque nous avons la réponse à leur besoin, il faut qu'il y ait du donnant-donnant et qu'ils se décident à agir pour parvenir à ce qu'ils veulent. C'est une collaboration. . C'est gratifiant aussi pour eux de savoir que c'est eux qui le font. Par exemple, c'est eux qui vont chercher les panneaux solaires avec leur charrette etc...On essaye aussi d'apporter le petit équipement qu'on peut. Par exemple on essaye de récupérer des lits inutilisés dans les hôpitaux de la ville  d'à côté...Mais c'est eux qui vont les chercher !

Sur votre site internet j'ai pu lire que vous étendiez votre domaine de compétences à l'éducatif ?

ð  Il y a beaucoup de demandes au niveau pédiatrique. Les soins s'étendent à la santé de l'enfant et à l'éducation. Il y a une demande concernant l'aide pour l'éducation des enfants. Il n'y a  pas de soins de néonatalogie ni de prise en charge éducationnelle au niveau national. Pas de maternelle. Pas de crèche. L enfant arrive en CP et il se retrouve avec un enseignement en français, qui n'est pas parlé par les enfants qui viennent d'une ethnie reculée et parlent un dialecte précis. Il est donc  impossible pour l'enfant d'apprendre en français. On les prend alors par petits groupes, on fait une pré-scolarisation ou une halte garderie ; On commence la sociabilisation, et de leur faire comprendre qu'on peut rester ensemble (garçons et filles) à faire des activités ensemble. On leur fait tenir un crayon, ce qu'ils n'avaient jamais fait avant. Il y a donc un recrutement de personnel éducatif effectué. Ce sont des personnes différentes de celles qui s'occupent des missions néo natales. C'est rare qu'il y ait deux missions dans le même village. Il y a encore une fois une collaboration entre le personnel français et les locaux. on recrute des éducatrices ou auxiliaire de puériculture habituées àtravailler dans des crèches ou garderie. On y va en tant qu'expert qualifié. Nous sommes des professionnels. Elles restent de la même façon que nous et forment des femmes du village qui prennent le relais à la fin de la mission.

Qu'est ce qui pousse les femmes de l'assoc a partir ?

C'est avant tout un désir de don. Elles sont d'une grande générosité, d'une grande fraîcheur, et d'une grande naïveté. On donne du temps, du savoir faire. On veut s'éloigner de la sentimentalité qui me fatigue. On donne du savoir faire adapté à la situation. Si on arrive à adapter le savoir faire aux besoins réels de la maman et de l'enfant c'est du tout bon. Ce qui m'intéresse c'est de rester professionnelle.

N'est-ce pas trop difficile de partir en laissant sa  famille et la France derrière soi ? Comment vivez-vous le choc culturel lors de vos déplacements?

Ce n'est pas évident. Il y a des choses qui me manquent terriblement. J'adore l'Afrique mais presque tout le monde s'accorde à dire qu'on ne pourrait pas y vivre. Tout y est compliqué c'est très fatigant.

Comment s'effectue le Recrutement ?

Les gens nous contactent de plus en plus via le Site web, mais il y a aussi beaucoup de bouches à oreilles car en ce qui concerne l'obstétrique nous sommes la seule organisation humanitaire.

 

 

Donnez votre avis !

Profile picture for user aurelialola
aurelialola , 08 février 2010
felicitations et bravo a cette association,
Profile picture for user optimist2009
optimist2009 , 09 février 2010
Ce message a été supprimé par Femmezine
Profile picture for user tarzane
tarzane , 15 février 2010
c'est bien , il faut leur donner les moyens de travailler dans leur pays et de ne pas les déraciner, et en les suivant ainsi ça peut vraiment les aider
ln72 , 15 février 2010
Très bon sujet, Bravo à ces personnes tout simplement!
oulacdur , 17 février 2010
on ressent beaucoup de générosité et de volonté de partager son savoir
Profile picture for user sandrine152
sandrine152 , 25 février 2010
tres beau !! chapeau a toute ces personnes courageuses
Profile picture for user helene54_7
helene54_7 , 26 février 2010
oui bravo et félicitation a cette association et aux personnes qui s'ocupent des personnes qui en ont besoin.
Bon courage et bonne continuation
Profile picture for user nanousette
nanousette , 26 février 2010
C'est un bon geste d'aider ces pays pauvres. Je tire chapeau à ces associations et ces bénévoles qui se battent pour ces enfants