Cette biennale créée en 2007 par le musée du quai Branly est incontournable. Why ?
1 - Pour son inquiétante étrangeté...
Consacrée à la photographie non occidentale, Photoquai présente les œuvres de 50 photographes contemporains du monde entier, talents inconnus ou peu connus en Europe. Oeil, univers, intimité, poésie provenant d'Amérique du Sud et d'Amérique Latine, d'Amérique du Nord, d'Asie, d'Océanie, d'Afrique, du Proche et du Moyen-Orient, comme autant de regards plus ou moins croisés sur le monde contemporain. Plus ou moins, car ces photographies témoignent de réalités complètement singulières, étanches les unes aux autres, éloignées de nos préoccupations, de nos valeurs, de nos réferences et grilles de lecture occidentales.
Intimes, surprenantes, décalées, témoignant d'une vitalité émouvante, certaines de ces photographies nous semblent, à nous, occidentaux du XXIe siècle, complètement anachroniques. Telle l'oeuvre splendide de l'artiste azerbaïdjanais, Sanan Alezkerov.
Hormis la singulière Sitara au-dessus du ciel, Bakou, 2007, photographie plébiscitée à la 2e place dans le palmares des internautes (www.photoquai.fr), sans doute pour son universalité, son efficacité et sa poésie azuréenne (la silhouette alanguie d'une jeune-femme bras en crois démesurément étirés dans une mer survolant, une fois n'est pas coutume, un ciel étal), les arrêts sur image de cet artiste semblent d'un autre âge. Et pourtant non, en regardant attentivement les dates, il ne s'agit pas des premiers daguerréotypes dépeignant les soubressauts d'une société industrielle naissante au XIXe siècle. Non, « Homme-machine, zone pétrolière », « Paysage avec photographe, zone pétrolière » ou encore « Départ, Buzovni » sont bien datés: 1999 et 2000, et non 1899 et 1900. Ces photographies ont juste été prises un peu plus à l'Est de notre Eden, vers l'Azerbaïdjan, là-bas, à Balakhani, à Buzovni... oui, ces photographies en sont bien, des buses ovnis et c'est ce qui fait l'intérêt de cette biennale: nous faire découvrir d'autres réalités, d'autres lieux, d'autres êtres, d'autres paysages et d'autres états d'âmes que les notres.
2 - Pour son universalité...
Car, c'est Anahita Ghabaian Etehadieh, galeriste iranienne et fondatrice de la Silk Road Gallery, lieu unique, dans son pays, dédié spécifiquement à la photographie, cette année directrice artistique de Photoquai 2009, qui nous le précise : « Notre mission fondamentale : susciter des échanges, dessiner un panorama de la création photographique contemporaine dans le monde. Examiner quelles formes prend aujourd'hui le dialogue interculturel, servi par l'utilisation des médias modernes. Un engagement poilitique, social et poétique! ». A travers 3 principaux thèmes pour l'édition 2009 : l'environnement, la guerre et la violence, l'identité. De quoi nous interpeler, universellement effectivement.
Même, s'il faut l'avouer, certains des choix du comité de sélection nous laissent... songeurs. Et pas dans le bon sens du terme. Inégale, nous semble la pertinence des oeuvres. Voire, inégale, la sélection de certaines photos pour un même artiste. Pour exemple, l'oeuvre de la photographe mexicaine Daniela Edburg. Si la somptueuse « La mort par barbe à papa », 2006, est incontestablement une image majeure, d'une présence et d'une force inouïe, autant esthétique, critique, que poétique, abordant sans ambiguîté le thème de la mort comme les mexicains peuvent le faire, de manière beaucoup plus frontale, saine, assumée, responsable que dans nos civilisations occidentales sentant le formol, le compassé, la gène, la fuite quant à cette question pourtant fondamentale, on n'apprécie que moyennement les autres photographies de l'artiste. Même si la commisssaire de l'exposition tente de justifier ce choix par un ecclectisme assumé (à notre sens un peu fourre-tout) : "De l'autre côté, l'entrée dans l'exposition se fera par les photos kitsch mais fortes de la mexicaine Daniela Edburg. Elle utilise pour cela une imagerie de type série Z, en décalage avec les couleurs acidulées de l'univers publicitaire. Ces images posent un regard critique sur les sociétés occidentales : « l'aliénation par la consommation effrénée ». Par extrapolation, elles font aussi, à l'autre bout du parcours, référence à la menace que cette consommation représente pour la terre. ». Nous, on n'est pas convaincu, non pas par l'artiste, mais par la présence de certaines de ses oeuvres, trop anecdotiques, manichéennes, clinquantes, superficielles à notre goût. Idem pour Saïd Atabekov du Kazakhstan : Le chemin qui mène à Rome # 9, 2007, ou l'australien Brook Andrew Série Replicant : Chouette, 2006. Mais bon, le propre d'une biennale, c'est qu'il y en ait pour tous les goûts, justement....
3 - Pour sa volonté de démocratiser la culture...
C'est gratuit, populaire et engagé. En effet, depuis son ouverture le 23 juin 2006, 4,5 millions de visiteurs sont venus arpenter les salles du Musée Branly. Pour y découvrir ses collections d'oeuvres anciennes, nées du refus d'une conception aristocratique des savoirs instaurant une hiérarchie des peuples et des arts, le musée récusant l'idée que le terme d'art extra-européen désigne un état primitif ou « premier » de la création artistique. Mais aussi pour sa volonté assumée de réserver, en marge des collections anciennes, une place significative à l'art contemporain. On apprécie tout particulièrement le travail de photographe documentariste de Jeronimo Arteaga, et sa série La vie dans le désert, San Luis Potosί, Mexico et ses clichés: Chasseur de rats, Mère et filles (qui est la mère, qui est la fille?), ou encore Animaux à vendre, dans lesquelles l'artiste a su saisir sur le vif la banalité ordinaire du quotidien de ces personnes ayant accepté de devenir des personnages et dont il tire le portrait avec une extrème délicatesse, poésie. Plans serrés sur les visages burinés, les corps alanguis, offerts au regardeur. Une banalité pourtant si étrange, exotique, décalée pour nous, (enfin moi en tout cas), qui ne savions pas, mais alors pas du tout, qu'au Mexique, l'on pouvait acheter des serpents, ou un rapace suspendu à un fil, dans la rue comme ça, comme on achèterait un kilo d'oranges. De même Abbas Kowsari, et Nuance d'eau, Lac d'Orumieh, 2008 ou encore Pierrot-Men et sa série Les rues: 67 hact, Anrananarivo, Madagascar, 2005. Surprenant, questionnant, émouvant.
Les dates : Photoquai 2009, du 22/09/09 au 22/11/09.
Les lieux :
Sur les quais du musée Branly (en accès libre), dans les expositions temporaires présentées au sein du musée du quai Branly et du Pavillon des Sessions, son antenne au Louvre (« Portraits croisés, photographies du musée du quai Branly», une sélection d'œuvres anonymes anciennes ou d'auteurs connus de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 1960).
Ainsi que dans les établissements partenaires : de la colline de Chaillot au quartier du Marais (Bibliothèque nationale de France, la Monnaie de Paris, le musée d'art moderne de la ville de Paris, la maison de la culture du Japon, l'ambassade d'Australie, la Galerie Baudoin Lebon, la galerie Bendana Pinel Art Contemporain, le centre culturel canadien, l'Instituto de México, l'Ecole Nationale de la Photographie d'Arles et l'Ecole Spéciale d'Architecture).
Les conférences :
Durant l'intégralité de Photoquai, chaque vendredi, le musée du quai Branly propose également au public des rendez-vous hebdomadaires (rencontres et discussions avec photographes et commissaires associés des grandes zones géographiques représentées).
Détails et renseignements : www.photoquai.fr
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