Portraits

Patric Jean : un réalisateur engagé et optimiste, malgré tout !

Interview suite 1

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Sur un plan personnel, les femmes autour de vous vous ont-elles inspirées ?

Je viens de loin, d'un milieu d'origine avec une culture très proche de la norme. On m'a enseigné, des femmes du reste m'ont enseigné qu'un homme doit être le chef de la famille, gagner plus que sa femme, on m'a transmis toute la violence symbolique en somme. Je commençais avec un point de vue sur le monde sexiste et phallocrate. J'ai commencé à déconstruire ce point de vue en me confrontant à des femmes au sein du couple. C'est au sein du couple que les femmes m'ont amené à réfléchir. Comme j'ai commencé ma prise de conscience politique et mon travail de réalisateur sur des questions sociales, à un certain moment je me suis dit que ce que j'observais, ce que je filmais sur la question sociale, je devais l'appliquer aussi à la question du genre, à moins d'être injuste ou aveugle. Cette déconstruction est quelque chose qui se construit petit à petit, au contact des autres, c'est le travail d'une vie. Mais ce qui est certain c'est que je dois ma prise de conscience politique à des femmes.

Pensez-vous que c'est peut-être justement là, au sein du couple, que cette violence est la moins évidente ? On ne peut pas nier les violences physiques, mais cette violence « douce » dans l'intimité, au sein du couple est peut-être la plus délicate à identifier, reconnaître, combattre ?

Les violences conjugales ne sont pas niées, mais on nie les rapports qui se tissent entre l'attitude patriarcale, que l'on voit au quotidien, dans les jouets, dans le monde du travail, dans le sexisme, et les violences conjugales. On m'oppose souvent dans les débats qui entourent les projections du film et à la télévision, qu'il n'y a pas de rapport, que la violence conjugale, c'est une affaire de classe sociale : il n'y a que les pauvres qui cassent la figure à leurs femmes, c'est dû à l'alcool, l'exclusion, le chômage... C'est parfaitement faux. La question n'est pas là. Il suffit de regarder les chiffres, notamment de la mortalité conjugale. La violence conjugale s'exerce dans tous les milieux sociaux. Un député à tué sa femme. Quant à l'alcool, il n'entre que pour 17% dans les causes de mortalité suite à des violences conjugales. On joue beaucoup sur le terme de pouvoir pour prétendre que l'on serait dans une société égalitaire, où chacun joue son rôle, un rôle différencié légitimé par des fantasmes biologiques. Hier, dans un débat après une projection, j'ai été confronté à deux hommes et une femme très en colère, qui sans avoir beaucoup d'arguments étaient persuadés que par exemple le fait d'avoir ou d'élever des enfants, c'est un pouvoir ! L'idée contraire à beaucoup de mal à passer.

Cela ne vous semble pas paradoxale que des femmes elles-mêmes puissent tenir ce discours-là ?

Mais comme toujours dans les rapports de domination. Cela revient à se tirer une balle dans le pied. Dans le rapport de domination, qu'il soit socio-économique, politique ou du genre, il y a toujours une complicité entre le dominant qui veut garder ses privilèges, et le dominé. En disant ça, je prends le risque que l'on me critique en disant « mais vous jetez la pierre au dominé que vous responsabilisez ». Bien entendu que la responsabilité principale reste du côté du dominant. Mais le dominé est d'une certaine manière inconsciemment complice puisqu'il ignore bien souvent, ou feint de l'ignorer, le rapport de domination.

 

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Martin (non vérifié) , 13 décembre 2009
Bravo Madame Trouve,
Vos questions sont excellentes et j'apprécie de ne pas voir Patric limité à des réponses de deux phrases comme c'est trop souvent la norme à la télé.
Le film débarque sur les écrans québécois dans six seaines et on en parle déjà beaucoup sur le Web ici.
Anonyme (non vérifié) , 21 janvier 2010
merci pour cette entrevue.
une lettre a été adressée à Patric Jean sur le site du collectif de création Les délicates attentions
nous aimerions vous en faire part.
comme c'est un peu long, voici l'hyperlien