Le livre-reportage de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, paru en mars 2010, a beaucoup fait parler de lui ces derniers mois. Il faut dire que l'expérience est inédite : la journaliste du Nouvel Observateur s'est fait passer pendant 6 mois pour une chômeuse en recherche d'emploi dans la petite ville de Caen, en Normandie.
Ses tentatives infructueuses pour dénicher un CDI, ses heures de ménage négociées par-ci par-là, ses visites régulières à Pôle emploi, voici l'essentiel de ce livre qui lève le voile sur la misère de nombreuses femmes en France.
Pour ne pas être reconnue, l'ex-otage (retenue plusieurs mois en Irak en 2005) s'est teint les cheveux en blond et a mis des lunettes. Elle a alors quitté son appartement parisien pour une chambre meublée dans le centre de Caen. Avec le baccalauréat comme seul bagage, la journaliste s'est inscrite au chômage pour "prendre la mesure de la crise".
Son témoignage est à la mesure du sacrifice consenti : la journaliste dresse un tableau saisissant de la vraie précarité en France, la précarité des gens qui ne songent même pas à dépenser un euros au distributeur pour acheter un café. Florence Aubenas nous parle de tous ces hommes, et surtout toutes ces femmes, qui vivent avec 700 euros par mois en passant la moitié de leur journée dans les transports, même si le jeu n'en vaut pas vraiment la chandelle.
Les seuls emplois que la journaliste a réussi à dénicher ont été des ménages, en particulier dans un ferry accosté quai de Ouistreham. Elle raconte l'enfer des objectifs inatteignables, la tyrannie des petits chefs, les salaires dérisoires. Entre les employés, c'est l'entraide qui prime : voilà bien la seule lueur d'espoir de ce reportage qui ouvre une fenêtre sur un univers tabou et méconnu, l'univers de la grande pauvreté.
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