Portraits

Patrick Eudeline, l'homme plein de qualités

Interview : suite 1

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Est-ce qu'il y en a encore justement?

Marx disait: « c'est l'époque qui fait les gens, et pas les gens qui font l'époque ». Les années 50, 60, ont été si porteuses, qu'elles ont offertes du talent aux gens. Ils se sont révélés, il y a une émulation incroyable. On ne les comptent plus, les génis de cette époque, les Polnareff, Gainsbourg, etc.... Par contre, en 1990, quand on voulait faire de la musique, on était mal barré, on se retrouvait devant un ordinateur! Ce n'était vraiment pas évident. Le contexte aujourd'hui est différent. Il y a des gens qui font des choses fortes, mais globalement, ce n'est pas assez porteur. On est actuellement dans la déception. Dans le deuil de la révolution des années 2000 qui a été décevante, introuvable. On se retrouve à ressasser les années 60, 70, 80 dans une posture nostalgique. Dans la musique, la mode... tout revient. Quelqu'un, qu'il est mon âge ou 18 ans, il écoute Gainsbourg! Ce n'est pas ce qui fait une génération au présent. Pete Doherty, ou Amy Whinehouse, dont je respecte énormément le travail, c'est des années 60. J'ai des oreilles quand même, c'est évident! L'une fait de la tabla, et l'autre c'est les Kings. En France, aujourd'hui, en général, c'est pourri! Il n'y a que les filles qui font des choses intéressantes. Camille, superbe, Emilie Simon, plus sombre mais très bon, Adrienne Pauly, on attend le deuxième, mais le premier était très bien. Idem aux USA, toutes les chanteuses un peu jazzy, Madeleine Peyroux, ou même quelque chose de très propre comme Norah Jones. C'est clairement plus intéressant ce qu'elles font que ce que font les mecs! A l'époque des Libertines, des baby-rockeurs, il y avait encore de l'énergie, on leur pardonnait beaucoup parce qu'il y avait quand même de l'énergie. Aujourd'hui je trouve les groupes en général d'une médiocrité crasse. Je ne suis pas impressionné par les Kooks, Carl Barat, Dirty Things. Sincèrement, se sont les filles qui font les choses les plus intéressantes et fortes.

Pourquoi à votre avis? Pourquoi aujourd'hui les grands rockeurs sont des grandes rockeuses?

C'est une bonne question. J'aime beaucoup ce que font Emilie Simon, Emilie Loizeau aussi. Je trouve superbe la chanson Paris de Camille, que j'ai acheté de mes propres deniers sur I-Tunes... J'étais même jaloux! Je suis très impressionné par ce qu'elle fait, même si elle a pour l'instant renoncé aux paroles. C'est dommage. J'ai adoré sa chanson Paris.

Est-ce que c'est parce qu'elles sont capables de prendre plus de risques?

Il y a peut-être aussi une histoire de complexes. Jusqu'à peu, la musique, ça a toujours été une histoire de mecs. Sauf exception de filles qui étaient sous la coupe d'un producteur, ou acoquinées avec un artiste. Les filles ont toujours travaillé plus pour s'imposer. Quand je travaille avec des filles, je suis étonné de constater à quel point elles travaillent, elles essaient vraiment de faire de leur mieux. Il y a de la mélodie, du savoir faire, des références. Le travail c'est la clé de beaucoup de choses.

Est-ce qu'elles écrivent leurs propres textes?

Certaines, pas toutes. C'est un vrai problème cette question. Beaucoup de gens font tout eux-mêmes alors qu'ils ne devraient pas. Les Beatles, par exemple, faisaient tout eux-mêmes. Mais parce que c'était des génis! De la musique, des paroles. Sinon, à l'époque, le système c'était un auteur,  un interprête. Même Jacques Brel ne faisait pas tout lui-même. Aujourd'hui, les chanteurs veulent faire tout seuls! Mais ça ne fonctionne pas. Pour prendre un exemple, Christophe Maé a sorti un premier album. Un carton. Mais parce qu'il avait réussi à s'entourer, les chansons n'étaient pas de lui. Pour le deuxième, il a voulu tout écrire, pour toucher seul les droits SACEM. On a vu le résultat. Christophe Willem idem. Premier album, des textes de Zazie, Bertrand Burgalat. Ca fonctionne. Le deuxième, fort de son succès, il veut tout faire lui-même. Résultat: une daube électronique! Amandine pareil. On attendait le nouveau disque avec impatience. On a eu une sous sous sous Rose. Les grandes chanteuses historiques ne faisaient pas tout "elle-même". Juliette Gréco ne travaillait pas toute seule. Elle n'a jamais eu la prétention de tout écrire et de tout faire toute seule. Même Lenon et Mac Cartney, ils étaient 2! Même 4....

Le féminisme, est-ce que ça a permis aux filles de se libérer, d'investir des champs artistiques comme celui de la musique, du rock?

Oui. Tout est lié à mon avis. Dès que ça a été digéré, le féminisme, début des années 90, il y a eu une grande vague d'homosexualité. Masculine et féminine. Les rôles masculin/féminin n'étaient plus clairs. Les lesbiennes étaient à la mode.  Il y a eu une flambée de groupes de filles. Aujourd'hui, c'est à nouveau plus clair, la répartition des sexes, des pôles masculin/féminin. Même si je pense que les hommes sont mal barrés, ils ont perdu le pouvoir! Le pouvoir absolu qu'ils avaient depuis des siècles.